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L’action de nos armées s’inscrit obligatoirement dans un contexte juridique désormais bien normé, même s’il reste évolutif.1/2

Cercle de réflexion G2S - n°23
L’Armée de Terre dans la société
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On ne peut aborder la réflexion sur la place de l'éthique dans l'emploi de la force armée sans y inclure la dimension juridique de cet emploi, car celle-ci y a une importance toute particulière, du moins dans le monde occidental où elle est le fruit d'interrogations religieuses et philosophiques très anciennes. L'encadrement actuel de l'emploi de la force armée par le droit est en fait l'aboutissement, toujours en devenir au demeurant, d'une régulation de la violence visant à introduire humanité et humanisme dans des affrontements qui peuvent être inhumains, tant par leur cruauté intrinsèque que par leur dimension parfois apocalyptique. C'est pourquoi droit et éthique, tout en ne recouvrant pas les mêmes domaines du comportement, interagissent tant au niveau de l'individu qu'à celui des institutions, et en particulier au sein des forces armées.


L'emploi de la force armée a toujours questionné, car si la violence est malheureusement inhérente à l'homme, sa régulation, voire sa maîtrise, ont été, dans toutes les sociétés un tant soit peu évoluées, considérées comme essentielles que ce soit pour des impératifs d'ordre économique ou par référence à des codes de comportement jugés indispensables pour ce qu'on appellerait aujourd'hui le « vivre ensemble » entre États vainqueurs et États vaincus, et ce, quel que soit le degré de soumission auquel étaient astreints ces derniers. L'Histoire des conflits a donc progressivement généré un corpus de règles plus ou moins acceptées et respectées. Sous l'influence de l'Occident, ces règles se sont étoffées aux XIXe et XXe siècles et ont prétendu à l'universalité, avec entre autres pour objectif de protéger les populations civiles non armées en les mettant en quelque sorte « hors jeu » dans les affrontements directs entre forces belligérantes.

 

D'un certain point de vue, on ne peut que constater que cette louable démarche est restée un vœu pieux, si l'on pense aux horreurs de la « guerre totale » que fut la Seconde Guerre mondiale, avec des bombardements tels que ceux de COVENTRY, DRESDE, HIROSHIMA ou NAGASAKI, pour ne citer que cette catégorie d'agressions. Mais, d'un autre point de vue, on peut affirmer que les tentatives d'humanisation de la guerre n'ont pas été sans résultat, en particulier pour les forces armées occidentales engagées dans des opérations ne mettant pas en jeu des intérêts vitaux tels que la survie de la Nation. Car il faut observer que dès lors qu'il s'agit d'intérêts vitaux, l'Histoire montre que toutes les règles peuvent être allégrement violées au nom d'un intérêt supérieur pour lequel le plus souvent la fin est censée justifier les moyens. Ceci ne veut pas dire que toutes les prescriptions juridiques sont sans effet dans le cas de conflits majeurs, mais il est clair que leur application ou degré d'application est totalement tributaire de la volonté des belligérants.

Après ces observations liminaires, qui éclairent la difficulté tant conceptuelle que pratique de l'application d'un droit dans l'emploi de la force, il est utile de réfléchir à l'environnement juridique qui prévaut de nos jours pour les opérations des forces occidentales. Il est de plus en plus sophistiqué et complexe et le fruit d'une longue histoire.

 

L'évolution historique du droit dans les conflits

Dès l'Antiquité, des penseurs ont tenté d'élaborer des règles visant à distinguer la violence nécessaire de celle irraisonnée ou injustifiable. C'est ainsi que sont apparus les concepts de « jus ad bellum » et de « jus in bello ». Le jus ad bellum, est le « droit de faire la guerre ». Ses critères historiques sont une cause juste, une intention juste, le fait d'être un ultime recours relevant d'une autorité légitime, la proportionnalité de l'action… et l'espoir de succès ! La doctrine de la guerre juste est un modèle de pensée et un ensemble de règles de conduite morale définissant à quelle condition la guerre est une action moralement acceptable. Le jus in bello est l’ensemble des règles juridiques applicables à la conduite des hostilités : détermination des espaces, biens et personnes protégées, détermination des moyens de combat autorisés, traitement des prisonniers… Traditionnellement, le jus in bello se confond avec le droit de LAHAYE, mais face aux insuffisances de celui-ci, il a été complété par le droit fixé par la convention de GENÈVE de 1949.

Les premières interrogations d'ampleur sur la doctrine de la guerre juste furent le fait de Cicéron (De Officiis 1.11.33–1.13.41). Son interrogation fut reprise par des auteurs chrétiens comme Saint Augustin, Saint Thomas d'AQUIN, Francisco de VITORIA et son disciple Francisco SUÁREZ. À la fin du XIIe siècle, Johannes FAVENTINUS associe l'idée de guerre juste pour la défense de la patria avec celle de ratio (ou « raison d'État »). Elle est aussi légitimée pour défendre l'Église (le status Ecclesiae) s'il s'agit d'une croisade contre l'infidèle. Chez Francisco VITORIA apparaissent tous les thèmes principaux de l'école de SALAMANQUE : à savoir que la guerre représente un des pires des maux et que l'on ne peut y recourir que pour éviter un mal plus grand. La guerre préventive contre un tyran susceptible d'attaquer fait partie des exemples reconnus par cette école. Toutefois, toutes les formes de dialogue doivent être utilisées au préalable et la guerre ne peut être déclenchée que comme ultime recours. Désormais, la question essentielle sera de savoir s'il existe des voies de droit évitant de recourir à la force.

Dans ce cheminement vers plus d'humanité que constitue l'élaboration du jus in  bello, quelques  repères  historiques :  au  Xe   siècle  la  « Paix  de  Dieu » (proclamation par plusieurs conciles régionaux de l’interdiction du pillage des biens d’Église), au XIe  siècle la « Trêve de Dieu » (pas de combat pendant certaines périodes liturgiques). En 1625, GROTIUS, dans « Du droit de la guerre et de la paix », établit des catégories de non-combattants devant être épargnés par les guerres : femmes, enfants, laboureurs, marchands, clergé, lettrés, et établit la distinction civil / militaire. En 1864 est proclamée la Convention humanitaire de GENÈVE sur l’amélioration du sort des blessés et en 1868, la Déclaration de SAINT-PÉTERSBOURG interdit l’usage de certains projectiles. En 1899 la convention de LA-HAYE (en fait 3 conventions) traite du règlement pacifique des différends internationaux, des lois et coutumes de la guerre sur terre et de l'adaptation à la guerre maritime des principes de la convention de Genève de 1864. En 1907 est établie la Convention de LA- HAYE pour le règlement pacifique des conflits qui n’a empêché ni la première ni la seconde guerre mondiale… Elle comporte en fait 13 conventions spécifiques concernant le règlement pacifique des différends internationaux, l'ouverture des hostilités, les lois et coutumes de la guerre sur terre, la guerre en mer, les droits et devoirs des puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre.

Les principaux points du droit de LA-HAYE sont la limitation des cibles visées (interdiction d’attaquer les populations civiles et protection des biens avec l'interdiction de bombarder villes et villages et biens culturels et cultuels) et la limitation des moyens de combat : sont interdites les armes causant des maux superflus et frappant sans discrimination ; mais dans ce domaine, le droit  de  la  guerre  est  toujours  en  retard  d’une  guerre :  par exemple, l'interdiction des armes chimiques et bactériologiques après la Grande Guerre en 1925, ou, suite aux atrocités de guerre du Vietnam, un protocole est signé en 1980 pour l’interdiction des armes incendiaires. En 1972 une convention interdit la mise au point, la fabrication et le stockage des armes bactériologiques ou à toxines et en 1999 à OTTAWA est décidée l'interdiction des mines anti-personnel.

Mais l'événement majeur est bien la Convention de GENÈVE de 1949. Elle a initialement pour objet l'amélioration du sort des blessés et malades dans les forces armées en campagne, l'amélioration du sort des blessés et malades et des naufragés des forces armées sur mer, le traitement des prisonniers de guerre et la protection des personnes civiles en temps de guerre. Elle est complétée par les Protocoles additionnels de 1977 sur la protection des victimes des conflits armés. C'est le point de départ du « droit humanitaire moderne », plus attentif aux victimes des conflits qu’aux règles entre les ennemis. Et pour la première fois, ces conventions sont élaborées sous l’égide d’une ONG, le CICR.

Elles qualifient les crimes en distinguant crimes de guerre, crimes de génocide et crimes contre l'humanité et prévoient des sanctions, en particulier par des juridictions internationales (Tribunal pénal international [TPI] ou Cour pénale internationale [CPI]).

Mais l'application de ce droit est toute relative. En effet, à l’origine, le jus in bello représente une limitation de la violence dans le cadre de guerres entre États et son effectivité repose sur la bonne volonté des États et sur le principe de réciprocité. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, il fait également partie intégrante de « l’Art de la guerre », de l’honneur de l’armée ; d’où un certain respect des règles jusqu’à la Première Guerre mondiale. En fait, la présence de la notion de « nécessité militaire », y compris dans les textes les plus récents, restreint l’application du jus in bello et revient à permettre de s’abstenir de respecter ses obligations.

C'est pourquoi, sous la pression croissante des ONG, le jus in bello laisse peu à peu la place au droit humanitaire. Qui se place du seul point de vue des victimes :  blessés, réfugiés,  prisonniers…  Il  confère  aux  ONG  une  place majeure dans son application par leur rôle d’assistance et la protection juridique dont elles jouissent. Cependant, l’apparition de nouveaux types de conflits rend problématique l’application tant de ce droit humanitaire que du jus in bello, car ces conflits sont le fait d’acteurs non étatiques : guerres civiles, mouvements de libération nationale, terrorisme… qui ne sont pas signataires des conventions ni sujets du droit international.

 

 

 

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Titre : L’action de nos armées s’inscrit obligatoirement dans un contexte juridique désormais bien normé, même s’il reste évolutif.1/2
Auteur(s) : Le GCA (2S) Jean-Claude THOMANN
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