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L’OTAN: qu’en penser, qu’en faire ?

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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À la tête du quartier général du corps de réaction rapide – France depuis un an, j’ai découvert, dans cet état-major appartenant à la NATO Force Structure[1], un poste d’observation et de contact privilégié avec l’Alliance. Bien sûr, il s’agit d’une approche par le bas, vue d’un état-major opérationnel, complémentaire d’une analyse plus stratégique ou géopolitique.


Cette position m’a permis de prendre conscience du travail remarquable accompli ces cinq dernières années pour que la position de la France au sein de l’Alliance soit connue et reconnue. Mais elle me permet aussi de constater, dans nos rangs, un certain déficit de connaissance de l’OTAN et des atouts qu’elle peut offrir à celui qui veut, qui sait s’en servir. Pour être plus précis, cette connaissance apparaît trop souvent réservée à des spécialistes et pas suffisamment partagée.

 

Ce constat permet de mesurer le travail qui reste à accomplir pour consolider l’objectif défini par le LBDSN: «une Alliance forte et efficace qui sert les intérêts de la France et de l’Europe». Ce travail, à notre portée, permettrait ainsi de tirer tout le parti de la décision politique, prise il y a cinq ans, de rejoindre le commandement intégré.

 

Mieux connaître l’Alliance, en exploiter intelligemment les possibilités: telles sont les pistes qui seront parcourues dans les lignes qui suivent.

 

Un déficit de compréhension à combler

 

Nos armées ont été éloignées 43 ans du monde otanien. Elles doivent désormais s’approprier les arcanes de ce monde, fréquenté durant tout ce temps avec assiduité par nos Alliés.

 

Pour y agir efficacement, il nous faut parfaitement comprendre ce «nouvel» environnement. Or, notre méconnaissance génère souvent une attitude dubitative, voire négative vis-à-vis de l’Alliance. La première priorité est donc de s’astreindre à une analyse paisible et lucide, en revoyant certains a priori ou clichés qui peuvent troubler notre perception de l’OTAN, qu’il s’agisse de questions doctrinales et conceptuelles ou d’emploi opérationnel.

 

Nous évoquerons trois de ces a priori:

  • Le premier est la «lourdeur» supposée du système otanien. C’est une réalité si l’on considère l’architecture de ce système: elle est copieuse et compliquée. En revanche, son fonctionnement surprend: c’est un monde dynamique et réactif, en perpétuel mouvement, traversé de travaux, de réflexions, de groupes d’études. Certains présentent des intérêts limités. D’autres sont beaucoup plus importants, comme ceux en cours sur les systèmes de commandement des opérations ou le système d’alerte de l’OTAN[2].

C’est une machine compliquée mais en perpétuel mouvement. Il faut donc apprendre à s’y mouvoir parce que c’est là que les nations se «frottent les idées» et c’est là qu’émergent les concepts et architectures de commandement que, volens nolens, l’indispensable interopérabilité nous contraindra à adopter. C’est donc un lieu où il faut être présent et efficace pour détecter et influer sur un processus qui pourrait, le cas échéant, être défavorable aux intérêts français. Il s’agit surtout de promouvoir nos idées.

 

  • Deuxième a priori: l’OTAN serait le «bras armé» de l’influence américaine sur le Vieux continent. Cela a sans doute été le cas. Même si le premier contributeur au budget conserve nombre de postes clés, les choses changent. Aujourd’hui, c’est davantage le supposé désintérêt progressif des États-Unis pour le lien transatlantique qui inquiète nos alliés. La réalité est que les équilibres en matière d’influence sont dynamiques: influent ceux qui le veulent et s’en donnent les moyens. L’exemple britannique l’illustre, avec son fort lobbying doctrinal appuyé sur la mise en avant de l’ARRC[3], PC HRF[4] homologue du CRR-FR.

À l’heure où la fin de l’ISAF et la crise ukrainienne posent de vraies questions de fond sur l’emploi des forces de l’Alliance, le champ des idées est plus que jamais libre pour ceux qui le veulent.

  • Enfin, troisième erreur possible de perception: celle selon laquelle notre jeunesse dans la structure ainsi que nos positions nationales feraient de nous un «vilain petit canard» astreint à une certaine réserve.

Or, la France dispose d’atouts spécifiques, remarqués au sein de la communauté otanienne, qui méritent d’être valorisés.

Sa situation géographique et culturelle offre une capacité de compréhension équilibrée assez unique entre les problématiques du Nord et celles du Sud. C’est un atout précieux, pour nous et pour certains de nos partenaires, au moment où le centre de gravité de l’Alliance tend à se déplacer plus à l’est (cf. la crise ukrainienne).

De même, la culture et l’expérience opérationnelles de la France sont reconnues et observées au sein de la communauté. Ses engagements opérationnels actuels, que nous pouvons légitimement faire valoir, constituent aussi un levier en termes d’influence à l’heure où la séquence expéditionnaire de l’OTAN se termine en Afghanistan. L’entraînement de nos états-majors opérationnels, en outre, suscite un vif intérêt chez nos alliés. Enfin, cette position retrouvée au sein de l’OTAN représente l’opportunité de défendre une coopération plus étroite et plus pragmatique avec l’Europe de la défense.

 

Des opportunités à exploiter

 

  • Enrichir notre réflexion

Être influent ou vigilant, c’est d’abord débattre dans les nombreux forums évoqués précédemment. Mais présenter le point de vue de l’armée française impose naturellement, au préalable, une solide réflexion sur le sujet concerné, nourrie par un débat interne et, le cas échéant, par une remise en question. C’est le premier fruit. Le deuxième est la confrontation des idées et le bénéfice à tirer des réflexions et de l’expérience de nos alliés. À ce titre, le monde otanien est une formidable fenêtre ouverte sur la réflexion de 27 autres nations.

Nous participons activement aux travaux doctrinaux de l’Alliance. En retour, c’est un excellent stimulant pour la réflexion doctrinale française, en particulier sur la difficile question du «C2». Ainsi, la position quasi unanime de nos alliés sur la notion d’opérations à dominante de milieu nous conduira à approfondir notre point de vue, ne serait-ce que pour des raisons d’interopérabilité.

 

  • Promouvoir l’interopérabilité

Appartenir à la NFS suppose un armement multinational. Il représente aujourd’hui 20% de l’effectif au CRR-FR. Cela constitue un lieu unique de construction quotidienne de l’interopérabilité. Il y a, certes, l’interopérabilité technique (liée aux systèmes d’informations ou à la standardisation). Elle est le socle sans lequel l’interopérabilité n’est pas envisageable. Mais au-delà, l’interopérabilité, comprise comme la capacité à agir ensemble, a aussi une dimension culturelle qui comprend la doctrine et plus encore la confiance mutuelle. C’est en travaillant au quotidien ensemble, dans des organismes comme le CRR-FR, que l’on prépare la capacité à travailler demain en coalition. Quoique de façon plus discrète, on y prépare aussi l’appétence chez nos alliés à venir s’engager à nos côtés ou sous nos ordres demain.

 

  • Tirer parti de capacités d’entraînement de haut niveau

Les moyens d’entraînement de l’OTAN représentent un outil très performant pour placer nos propres états-majors opérationnels (du niveau 1 à 3) dans un environnement multinational des plus réalistes et des plus complexes. À travers le budget commun, les nations financent cette capacité. Il est important qu’il y ait un retour sur investissement.

Au-delà de l’opportunité, les moyens d’ACT (Allied Command for Transformation) et l’accès direct aux compétences opératives de la NATO Command Structure permettent réellement de travailler en profondeur dans le domaine de l’interopérabilité entre forces terrestres de différentes nations, mais aussi, dimension indispensable à tout engagement contemporain, dans le domaine de l’interopérabilité en interarmées.

 

  • Valoriser l’emploi de la ressource humaine

La qualité du personnel français inséré ‒ compétence, intelligence, expérience ‒ est régulièrement soulignée par les commandeurs alliés de l’OTAN. Gage d’influence, cette richesse humaine est optimisée grâce au réseau «PPE» établi au sein de l’OTAN. Ce réseau doit s’appuyer sur une politique de ressource humaine visant clairement deux buts: d’une part, permettre à des officiers disposant d’un potentiel identifié d’apprendre l’OTAN et de découvrir un environnement multinational; et d’autre part, lors de leur retour dans nos armées, irriguer nos différents échelons de commandement de cette expertise et de cette compréhension. Un tel parcours professionnel permettrait de limiter les effets d’une trop grande spécialisation de l’expertise OTAN.

 

Le CRR-FR: une réponse pragmatique à nos engagements otaniens

Traduisant concrètement les ambitions du LBDSN en matière d’outil de commandement, le CRR-FR permet en outre à l’armée de Terre de pleinement tirer parti de l’OTAN.

L’exemple des autres PC HRF est un indice intéressant de la façon dont nos alliés envisagent cette démarche vertueuse dans un contexte budgétaire contraint: nombre de nos alliés continuent à investir dans ce qu’ils considèrent comme un levier amplificateur de puissance au sein de l’OTAN et, de façon plus large, comme un outil de rang. Le CRR-FR s’inscrit dans cette dynamique. Il est d’abord un outil national qui peut être mis à la disposition de l’OTAN ou de l’UE. Cette réversibilité transparaît encore dans le large spectre de ses missions dont les volets «entraînement»[5] et «laboratoire d’idées» ne sont pas les moindres.

 

Mais les PC HRF sont avant tout des outils de commandement entraînés et certifiés. Initiée par l’OTAN, leur transformation vers la capacité à assumer en multinational des responsabilités de théâtre correspond parfaitement à nos besoins futurs, notamment ceux définis dans le LBDSN en 2013. La prise d’alerte du CRR-FR en 2017, au standard Joint Task Force HQ, en sera la concrétisation.

 

Nous avons la chance de disposer, grâce à une structure que nos anciens ont eu la bonne idée de créer il y aura dix ans l’an prochain, d’un outil permettant à la fois de répondre à nos besoins opérationnels nationaux et d’occuper pleinement, à la hauteur de la France, notre place dans la communauté otanienne. En ces périodes de restriction, ce genre de «coup double» mérite d’être remarqué.

 

[1] L’OTAN comprend la Nato Command Structure (ACT, ACO dont SHAPE, JFC Brunssum et Naples, etc.) et la Nato Force Structure, composée d’états-majors appartenant aux nations et affiliés par celles-ci à l’OTAN.

[2] Poussée par les nations à fortement réduire ses effectifs, la NATO Command Structure (NCS) a su repenser de façon pragmatique l’organisation du C2 et adapter la répartition de ses missions à des moyens de plus en plus contraints. Une partie du niveau d’ambition de l’OTAN (les opérations de moindre ampleur à dominante de milieu, les Smaller Joint Operations – SJO) est aujourd’hui confiée à la NATO Force Structure.

[3] Placé directement sous le commandement du CEMA britannique, l’Allied Rapid Reaction Corps est le plus ancien des PC HRF. Créé en 1992, Il est implanté à Innsworth (UK).

[4] High Readiness Force Headquarters: PC de niveau corps, composante ou théâtre, apte à se mettre sur pied, hors alerte, en 90 jours.

[5] Capacité à monter et à conduire des grands exercices au profit des EM de niveau 2 et 3, français et alliés.

 

Le Général de corps d’armée Éric MARGAIL a commandé le 2ème régiment étranger d’infanterie et la 6ème brigade légère blindée. Après avoir servi comme rédacteur à l’état-major des armées puis à l’état-major de l’armée de Terre en tant que sous-chef d’état-major «emploi-soutien», il commande depuis l’été 2014 le Corps de réaction rapide - France.

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Titre : L’OTAN: qu’en penser, qu’en faire ?
Auteur(s) : le Général de corps d’armée Éric MARGAIL
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