La dignité
LA DIGNITÉ … QUOI ?
Pour tout chef militaire, la question de la dignité va au-delà des qualités techniques ou intellectuelles nécessaires à l’exercice du métier : celui qui exerce l’autorité doit avoir le souci de sa dignité extérieure (dans l’attitude et le comportement) comme de sa dignité morale. La dignité exclut aussi toute forme de brutalité dans le commandement.
Le respect permanent de la dignité de l’être humain se présente non seulement comme une obligation morale, mais aussi comme un impératif opérationnel. En opérations, cette question qui s’inscrit au cœur de l’éthique est intimement liée au respect des populations mais aussi de l’adversaire. L’impératif de dignité permet ainsi de guider le chef dans ses choix et de donner du sens à l’action, notamment dans des situations de combat complexes, là où le droit se contente bien souvent de borner ou d’encadrer sans plus de précision.
LA DIGNITÉ … POURQUOI ?
- Elle est un guide qui permet d’autres qualités (à l’instar du discernement), de conserver ses repères éthiques dans le brouillard de la guerre ou lors d’engagements en situation dégradée.
- Elle traduit le refus de l’humiliation des subordonnés, de l’adversaire ou des populations. Elle permet de garantir au chef une conscience claire et conforme à son idéal de chef militaire, indispensable à la poursuite de son engagement.
PAS DE DIGNITÉ … SANS :
- sens de la responsabilité ;
- repères éthiques ;
- conscience et courage moral ;
- fermeté pour réprimer les fautes de comportement ;
- fraternité d’armes
- connaissance de la culture de l’adversaire.
LA DIGNITÉ … DANS LES TEXTES :
« Je n’aime pas qu’on m’abime un homme. »
Antoine de St Exupery.
« L’un des moyens les plus efficaces de vaincre réside dans le plus grand respect des valeurs morales et humaines. Un chef qui n’aurait pas la force morale de remplir un devoir de cette nature n’est pas digne de commander une troupe française. »
Extrait du recueil à l’intention des jeunes officiers « Et tu seras un chef » Ecoles militaires de Saumur.
LA DIGNITÉ … « AU CONTACT » :
Témoignage d’un capitaine commandant d’unité - opération PAMIR - Afghanistan - 2011 :
« L’opération dure depuis 24 heures. À cette étape de l’offensive, les points clés de la vallée ont été saisis, il faut maintenant tenir les positions, pour permettre à l’armée nationale afghane de construire un poste de combat. Tout mouvement suspect fait l’objet d’une observation rigoureuse, d’une identification et le cas échéant d’une neutralisation. Bien que le risque opérationnel reste élevé, nous décidons, via les autorités locales, de proposer une trêve aux insurgés afin qu’ils puissent enterrer leur morts selon leurs usages religieux. En dépit de la rudesse des combats, il nous semble important de ne pas réduire l’ennemi au statut d’objet, représentant abstrait du mal. À cette occasion, le mot dignité (karama) est d’ailleurs employé par la population locale et on nous explique qu’il renvoie à l’honneur et à la « virilité » dans la culture musulmane.
Il était sans doute essentiel de respecter la culture des vaincus pour des raisons opérationnelles, afin de convaincre le reste de la population que nous saurions les respecter à leur tour ; mais au-delà, respecter la dignité humaine est bien une obligation morale qui conduit à reconnaitre la valeur universelle de l’homme, y compris lorsqu’il s’agit de l’adversaire et indifféremment de sa culture ou son statut… »
Témoignage d’un capitaine commandant d’unité - opération HARPIE - Guyane - 2010 :
« Ce jour-là l’opération en forêt profonde contre les orpailleurs illégaux s’était conclue par un échange de feu nourri, au moment d’aborder le site d’orpaillage illégal. La mise en place de l’infiltration et l’action de feu finale avaient épuisé les corps et marqué les esprits. Les garimpeiros, trafiquants, parfois criminels mais travaillant bien souvent dans une logique de survie, avaient fini par se rendre. L’application rigoureuse du règlement nous autorisait à leur confisquer tout leur matériel, y compris leurs lampes et leurs machettes avant de les relâcher. Toutefois, je choisis de leur laisser de quoi survivre en forêt, dans des conditions acceptables afin qu’ils puissent rejoindre leur village d’origine. Sur le moment, certains soldats, dont la perception était peut-être brouillée par le stress de la situation, ont été étonnés de ce choix. Au cours du débriefing de l’opération, tout le monde a compris le sens et le caractère digne de cette décision. »