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La gestion optimale de la réserve opérationnelle: une mission impossible?

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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La gestion optimale de la réserve opérationnelle de l’Armée de terre suppose de concilier quantité, qualité, disponibilité, et durabilité de la ressource humaine. Beaucoup d’incantations ont été prononcées pour célébrer les vertus de cette ressource indispensable, sans réaliser que la professionnalisation de notre armée entraînait de facto une révolution concomitante du modèle de réserve consubstantiel à l’armée de conscription. Sans réaliser, concrètement, que les mêmes chefs, les mêmes services, les mêmes hommes auraient à assurer cette mutation simultanée. Laquelle, demande au moins autant d’attention compte tenu de sa spécificité. Le flottement intervenu entre 1997 et 2002 dans la gestion des réserves, largement délaissées, a révélé la difficulté de l’exercice tant le commandement était absorbé, on peut le concevoir, par le reformatage de l’armée d’active.


Six ans plus tard, à l’heure où le chef des armées évoque lui-même pour perspective probable une nouvelle réduction d’effectifs, avec ses conséquences inévitables pour l’ensemble la communauté militaire, peut-on raisonnablement parvenir à une gestion optimale des réserves? À l’examen des tendances actuelles, on peut parfois en douter, tant le lustre des chiffres annoncés masque une réalité plus prosaïque.

 

Le débat «supplément ou complément» conduit à des arbitrages contestables

La réserve opérationnelle de l’armée de terre offre un profil dual du fait de sa double composante: environ 60% de volontaires issus ou non (mais inéluctablement de moins en moins) du contingent, et 40% de «disponibles» qui sont d’anciens militaires d’active astreints à une disponibilité de 5 ans après leur départ de l’institution. De cette structure duale, découle les tendances de la gestion actuelle de la réserve. Deux options sont possibles et sont même parfois combinées.

  • Soit on privilégie l’utilisation de la réserve en tant que «supplément», c'est-à-dire en renfort quantitatif d’effectifs au profil très similaire à celui des personnels d’active.
  • Soit on recourt à une réserve de «complément», c’est à dire à des personnels offrant des profils différents et complémentaires de ceux des personnels permanents, pour adapter au mieux l’affectation des moyens humains à la spécificité des missions.

En fonction de l’option retenue, on n’aboutit pas aux mêmes résultats en termes d’efficience de l’outil.

La gestion des réserves dans l’armée de métier s’effectue donc pour le meilleur mais aussi, par certains côtés, pour des résultats nettement moins flatteurs.

Pour le meilleur, lorsqu’il s’agit de «coller» aux objectifs retenus par la loi de programmation militaire qui ambitionne pour la seule Armée de Terre un effectif  de 21.000 réservistes en 2008 et de 29.000 à l’horizon 2012, chaque militaire accomplissant une durée moyenne annuelle de vingt sept jours de service. Des objectifs qui sont principalement quantitatifs. Nul ne contestera que les règles actuelles, ainsi que la politique d’incitation des entreprises aient permis d’atteindre les objectifs de montée en puissance de la réserve. Son effectif toutes armées confondues est ainsi passé de moins de 10.000 réservistes sous contrat avant 1999 à 32.500 fin 2002 puis 53.300 fin 2006[1] (pour un objectif de 56.000). Et le taux d’activité moyen atteint un peu plus de 21 jours fin 2006. Ces performances sont à mettre à l’actif de l’institution, qui a su, la plupart du temps avec pragmatisme, mobiliser l’effectif nécessaire en utilisant les personnels les plus immédiatement disponibles pour répondre aux besoins. Cet effectif facilement mobilisable se trouve en priorité parmi les «disponibles»:

  • des anciens militaires d’active, désormais à la retraite qui aspirent à une sortie «progressive» et moins brutale que celle que leur a imposé, dans leurs fonctions, la limite d’âge ou tout simplement l’évolution de leur carrière,
  • mais aussi des réservistes dont la vie professionnelle civile laisse beaucoup de disponibilité, parce qu’ils sont employés à temps partiel, saisonniers, dans des emplois précaires ou parfois sans emploi.

Compte tenu de l’objectif à atteindre dès 2008 et des possibilités d’emploi qui vont jusqu’à 150, voire 210 jours, aux termes des récents décrets d’application de la loi du 18 avril 2006, la montée en puissance de la réserve opérationnelle dans les mêmes conditions pour les sept années à venir pousse naturellement à amplifier cette gestion à fort rendement immédiat.

Mais il y a aussi des résultats moins probants, lorsqu’on constate que des personnels qualifiés, certes plus difficilement disponibles mais volontaires, parviennent à peine à assurer les deux tiers du temps moyen d’activité souhaité faute d’être convoqués régulièrement par leur unité d’affectation. Or, un tel phénomène n’est pas sans conséquence sur leur carrière de réserviste et donc sur leur motivation à s’engager dans la durée. Le système en vigueur privilégie, en effet, par le louable souci d’une parfaite analogie avec la gestion des personnels d’active, les parcours linéaires marqués par l’assiduité donc la régularité sur longue période, au détriment de parcours plus chaotiques, car dépendants des vicissitudes professionnelles ou personnelles d’hommes et de femmes très engagés dans la vie active, donc plus à l’écoute d’opportunités diverses.

Ce faisant, la préférence trop marquée pour la disponibilité et l’intégrabilité (celle qui nécessite le moins de formation ou de temps d’adaptation), n’est pas non plus efficiente en termes d’utilisation des crédits affectés à la réserve. Les observateurs attentifs, contrôleurs de gestion ou commissions parlementaires, ont souvent souligné l’insuffisance des crédits affectés aux activités de réserve mais aussi et surtout leur épuisement rapide dès le premier semestre de l’année. Ce qui réduit inévitablement le nombre de journées de missions attribuées sur l’année entière.  Si l’on prend l’exemple des officiers de réserve d’état-major dont l’essentiel des activités est consacré à la participation à des exercices, il est évident que la préférence pour la disponibilité conduit mécaniquement à la mobilisation prioritaire de personnels retraités de l’armée d’active. Le choix de ces personnels, situés au plus haut niveau hiérarchique donc au plus haut niveau de rémunération, pour remplir des missions qu’auraient pu remplir des officiers de niveau subalterne tout aussi qualifiés (voire davantage dans les domaines informatiques et linguistiques) pour un coût bien moindre, contribue très directement à saturer plus vite qu’il ne devrait la consommation de crédits au demeurant insuffisants. De sorte que le niveau moyen annuel d’activité de 21 jours masque de très fortes disparités entre des personnels très mobilisés qui dépassent parfois deux fois le plafond de 30 jours, et d’autres personnels trop peu sollicités qui peinent à obtenir plus de 10 jours de mission.

On voit bien ainsi que la rationalisation des moyens, attendue dans les armées, appelle plus que jamais à imaginer une utilisation intelligente des réserves.

 

La pertinence de la réserve passe par le renforcement de son opérationnalité

À terme, quelle réserve veut-on?

  • une réserve faite de rappelés qui ne peuvent au mieux s’engager que pour 5 à 7 ans, sans offre différente de celle du personnel d’active, et même en décalage croissant en regard d’évolutions techniques de plus en plus rapides?
  • Ou bien une réserve durable, professionnelle et complémentaire, qui s’enrichit des expériences individuelles acquises en milieu civil et dont l’adaptabilité aux réalités complexes que révèlent les théâtres d’opérations contemporains est sans doute plus forte qu’on ne veut bien l’admettre?

Un effort en direction de la seconde option, sans préjudice du recours à la ressource sûre que constitue la première, est sans doute mieux à même de garantir que les armées atteindront les objectifs qui leur seront assignés par le nouveau Livre Blanc.

Quatre orientations devraient y contribuer:

  • Il faudra d’une part donner la priorité à la compétence dans la sélection des personnels retenus pour participer aux activités opérationnelles. Les armées n’ont pas vocation à disposer de toutes les compétences en permanence, en quantité suffisante et en tous lieux parmi les personnels d’active. Ce serait coûteux, inutilement ambitieux et sans doute irréaliste. En revanche, elles peuvent aspirer à les accueillir toutes, en fonction de leur besoin et pour des périodes déterminées. C’est probablement une des clés de la réussite des missions qui leurs seront confiées demain. Pour ce faire, tout en rapprochant la gestion individuelle des personnels de réserve des corps d’affectation, il est nécessaire de créer et tenir à jour un fichier national des personnels de réserve accessible à tous les corps, dans lequel seraient répertoriés les profils détaillés et les expériences acquises des personnes concernées. Le profil défini dans un moteur de recherche, il resterait à vérifier la disponibilité de chacun au sein de la liste des personnels les plus aptes à remplir la mission.
  • Il conviendra ensuite de garantir la formation spécifique des réservistes tout au long de la carrière, de manière à renforcer les connaissances et les capacités militaires de personnels dont l’expérience «métier» sera forcément moins approfondie que celle de leurs ainés formés par le service actif. En dehors de formations ponctuelles dans l’emploi, l’institution est loin d’offrir cette perspective aujourd’hui. L’ouverture systématique et proportionnelle aux réservistes de toutes les formations assurées dans les armées faciliterait leur intégration opérationnelle et contribuerait à développer une culture partagée.
  • Il sera en outre nécessaire d’adapter les règles d’avancement à la réalité des services rendus. Pour favoriser une gestion intelligente de la ressource, l’entrée dans la réserve devra à l’avenir tenir compte de l’âge, de la formation et du parcours professionnel accompli par le candidat; ce qui veut dire qu’il faudra à terme accepter de remettre en cause le principe de la nomination au premier échelon du premier grade de la catégorie à l’entrée en service. Ce qui veut dire aussi que les réalités de la vie civile, qui peuvent conduire à des interruptions de service pendant plusieurs années, ne devront plus pénaliser ceux qui, à nouveau stabilisés souhaiteraient reprendre leurs activités dans les armées. Ce qui veut dire enfin, qu’une mission ponctuelle de quelques jours à haute valeur ajoutée pour l’institution doit pouvoir apporter autant de points pour l’avancement qu’une activité classique et régulière de plus longue durée.
  • Pour réussir cela, il faudra enfin renforcer les moyens humains dédiés à la gestion des réserves en y affectant du personnel spécialisé et en intégrant pleinement les cellules «réserve» aux structures de gestion décentralisées des personnels militaires. La gestion des réserves doit faire partie de la gestion globale prévisionnelle des emplois, permettant ainsi une adaptation au plus juste de la ressource au besoin des unités. Une armée qui se veut moderne, ouverte et attentive à un environnement en perpétuel mouvement a tout à y gagner.

 

 

[1] Source Conseil supérieur de la réserve militaire 2007

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Titre : La gestion optimale de la réserve opérationnelle: une mission impossible?
Auteur(s) : le Capitaine (R) Jean-Charles ROCHARD
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